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  • Insights

Stocker des photos à caractère sexuel sur un ordinateur professionnel est-il une faute grave ?

Authors
Eva Christophe
Paralegal - Luxembourg
CASTEGNARO
Ariane Claverie
Partner - Luxembourg
CASTEGNARO
Luxembourg
16.06.23
4

Au vu de l’utilisation importante des outils informatiques dans les relations professionnelles, se pose fréquemment la question de savoir si un employeur peut ouvrir un dossier contenu dans l’ordinateur qu’il a mis à disposition d’un salarié et licencier le salarié suite à la découverte de son contenu.

La Cour d’appel de Luxembourg a eu l’occasion de nous rappeler les règles applicables en la matière, dans une affaire récente[1].

Dans cette affaire, une salariée a été licenciée avec effet immédiat pour une absence injustifiée à partir du 23 novembre 2020 et un enregistrement sur l’ordinateur mis à sa disposition pour l’exercice de ses fonctions professionnelles de photos personnelles et notamment des photos de nature pornographique.

Suite à la réception de sa lettre de licenciement, la salariée a contesté le bien-fondé de son licenciement devant le tribunal du travail.

Le tribunal du travail a jugé, en première instance, que le licenciement de la salariée était justifié. Les juges ont notamment considéré « que la présence de clichés à caractère sexuel sur un ordinateur professionnel mis à la disposition de la salariée par son employeur au sein des locaux de l’employeur est inconvenante et que ces clichés sont incontestablement de nature à heurter la sensibilité d’une personne qui viendrait à les découvrir de manière fortuite et à susciter un malaise, rendant immédiatement et irrémédiablement impossible la poursuite de la relation de travail, ce d’autant plus qu’aucun élément du dossier ne permettrait de constater que ces photos auraient été enregistrées sur un serveur externe et que leur accès aurait été verrouillé par un mot de passe. »

La salariée a fait appel de ce jugement en indiquant notamment que « la découverte de photos de quelque nature qu’elles soient dans un dossier manifestement privé ne saurait valoir motif de licenciement ”.

La Cour d’appel a alors rappelé, dans un premier temps, les règles et conditions d’application de la protection issue de l’article L.121-6 du Code du travail en cas d’absence du salarié pour cause de maladie (cette partie ne sera pas analysée dans le présent article) et dans un second temps, les conditions de validité d’un licenciement avec effet immédiat.

A ce titre, elle a notamment rappelé 1) la nécessité pour l’employeur d’énoncer avec précision les faits fautifs reprochés au salarié et 2) a jugé que le fait de sauvegarder des photos à caractère pornographique sur un ordinateur mis à disposition par l’employeur est suffisamment grave pour justifier un licenciement.

  • Nécessité pour l’employeur d’énoncer avec précision les faits fautifs reprochés au salarié

La Cour d’appel a rappelé l’importance pour les employeurs d’énoncer avec la plus grande précision les motifs de licenciement. En effet, « l’énonciation des motifs du licenciement doit permettre au salarié licencié de connaître exactement le ou les faits qui lui sont reprochés, d’apprécier en pleine connaissance de cause s’il est opportun pour lui de contester le licenciement, d’empêcher l’employeur d’invoquer a posteriori des motifs différents, ainsi que de permettre aux juridictions saisies d’apprécier la gravité du ou des reproches et de vérifier que les griefs invoqués devant elles s’identifient aux motifs notifiés ”.

A ce titre, le tribunal avait estimé que « les motifs de licenciement sont présentés dans la lettre de licenciement de manière claire et chronologique, alors que les circonstances de dates et de lieux sont renseignées et les personnes qui sont intervenues dans le cadre des faits invoqués sont identifiées ”.

La Cour d’appel a jugé que la lettre de licenciement indiquait de manière suffisamment précise les motifs du licenciement, puisque ledit courrier précisait que :

  • l’employeur avait eu besoin de photos enregistrées sur l’ordinateur professionnel de la salariée ;
  • en l’absence de celle-ci, une collaboratrice, ayant recherché ces photos sur son ordinateur, avait ouvert un fichier et un sous-fichier dont les intitulés (« photos » et « fotos ») ne révélaient aucunement le caractère personnel des clichés qui y étaient enregistrés ;
  • cette collaboratrice avait découvert une panoplie de photos de nature privée de la salariée, dont quinze photos à connotation sexuelle.

 

  • Le fait de sauvegarder des photos à caractère pornographique sur un ordinateur de l’employeur est suffisamment grave pour justifier un licenciement.

Dans cet arrêt, la Cour d’appel a jugé que la présence de photos à caractère pornographique sur un ordinateur mis à disposition de la salariée par l’employeur à des fins professionnelles, et dans un fichier non spécifiquement identifié comme privé par la salariée, est incontestablement de nature à heurter la sensibilité de toute personne et dénote un usage à des fin privées de l’outil de travail. De tels faits sont suffisamment graves pour ébranler définitivement la confiance de l’employeur.

La Cour d’appel précise également que cela est d’autant plus vrai du fait de l’objet social de l’employeur qui est de venir en aide aux victimes d’infractions violentes, dont les victimes d’infraction à caractère sexuel.

En conclusion, cet arrêt de la Cour d’appel nous rappelle :

  • La nécessité d’énoncer les faits fautifs du salarié avec la plus grande précision et de décrire les circonstances qui sont de nature à leur attribuer le caractère d’un motif grave ;
  • Que la présence de photos à caractère pornographique sur un ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur peut être suffisamment grave pour rompre la confiance de ce dernier et ainsi justifier un licenciement  ;
  • Que l’employeur peut avoir accès à l’ordinateur mis à disposition du salarié absent, pour rechercher des documents dans des dossiers, dont les intitulés ne relèvent aucunement le caractère privé.

La solution à ce litige aurait été différente si les photos en question avaient été placées dans un dossier avec un intitulé « Personnel » – « confidentiel » – « Privé ».

[1] Cour d’appel, 9 février 2023, CAL-2022-00607 du rôle

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