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Résiliation des contrats des employés communaux : le Code du travail est-il applicable ?

Authors
Ariane Claverie
Partner - Luxembourg
CASTEGNARO
Luxembourg
05.12.22
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Par un arrêt récent[1], la Cour d’appel a jugé que les dispositions du Code du travail relatifs à la résiliation du contrat de travail ne sont pas applicables à la résiliation du contrat des employés de l’Etat (dont la résiliation est encadrée par des dispositions similaires à celles des employés communaux[2]).

 

Les dispositions applicables aux employés communaux ne prévoient l’application des règles prévues par le Code du travail que pour des situations particulières (ex : les conditions d’engagement), à l’exclusion des conditions de résiliation du contrat de travail. Par ailleurs le Code du travail ne prévoit pas son application aux employés communaux.

 

  1. Dans ce cadre, le tribunal administratif a pu retenir que le Code du travail (il était à l’époque fait référence à la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, alors applicable) ne s’appliquait pas aux employés communaux en dehors des renvois exprès qu’y feraient les dispositions sur les employés communaux :

 

« Considérant que le renvoi effectué par l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 26 mai 1975 précité aux dispositions portant règlement légal du louage de services des employés privés concerne « l’engagement (qui) est effectué par le conseil communal, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, dans les formes et suivant les modalités » prévues par la législation concernant le contrat de travail et plus particulièrement la loi modifiée du 24 mai 1989, tel que ce renvoi a été ci-avant précisé, de sorte que ce dernier doit se limiter à la phase d’entrée en service et ne saurait être étendu, sous peine d’enfreindre le libellé clair du texte en question, aux situations par lesquelles il est mis fin, en tout ou en partie, à la relation contractuelle de travail entre parties. »

 

Après avoir relevé que la procédure administrative non contentieuse (PANC) s’appliquait à une telle résiliation, le tribunal avait ajouté qu’à titre ponctuel, le Code du travail pouvait suppléer aux carences de la législation sur les employés communaux :

 

« Que ce n’est dès lors qu’à titre ponctuel et limitatif, dans la mesure où la législation spécifique relative aux employés communaux comporterait des lacunes à ce sujet, que les dispositions issues de la législation sur le contrat de travail sont à appliquer mutatis mutandis concernant les modalités par lesquelles il est mis fin en tout ou en partie à la relation de travail d’un employé communal. »

 

Cependant, le tribunal administratif n’avait pas donné plus de détails sur le raisonnement juridique à la base d’un tel principe, et après avoir énoncé ledit principe, le tribunal n’avait pas fait application des dispositions applicables à la résiliation du contrat de travail des salariés, et avait retenu que la résiliation du contrat de l’employé communal, qui avait été notifiée dans cette affaire, était nulle pour (le seul) non-respect de la PANC.

 

  1. Or, par la suite, la Cour administrative a eu l’occasion de juger qu’en principe, le contrat de travail d’un employé communal est résiliable sur simple initiative du Comité, à condition uniquement de respecter la PANC :

 

« Le régime des employés communaux peut être qualifié de régime propre s’inspirant en partie du régime légal applicable aux fonctionnaires communaux. Or, à défaut de tomber dans le champ d’application des dispositions protectrices du statut général des fonctionnaires communaux en raison d’une ancienneté de services inférieure à 10 années, la Cour retient dès lors que pareil contrat est en théorie résiliable sur simple initiative du conseil communal, à condition de respecter cependant les dispositions générales en matière de procédure administrative non contentieuse, dont notamment l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes concernant plus particulièrement les critères de précision tels qu’exigés par ledit article, notamment au niveau du fondement juridique et de la description détaillée des faits reprochés à l’employé communal[3]. »

 

La Cour administrative n’avait ensuite fait application des dispositions du Code du travail relatives au licenciement des salariés que parce que le contrat de travail de l’employé communal y faisait expressément référence, ce qui n’est pas le cas de tous les contrats de travail des employés communaux.

 

  1. Dans l’affaire commentée, relative à la résiliation du contrat de travail d’un employé de l’Etat ayant moins de 10 ans de service, dont la résiliation est encadrée par des dispositions similaires à celles des employés de l’Etat, la Cour administrative a eu l’occasion de préciser ce qui suit :

 

« Concernant le cadre légal applicable à une décision de résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat, les articles 5, 6 et 7 de la loi du 25 mars 2015 traitent de la résiliation du contrat d’engagement, mais ne comportent aucun renvoi aux dispositions du Code du travail, de sorte que la décision de licenciement d’un employé de l’Etat est d’abord soumise au régime spécifique de la loi du 25 mars 2015 et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat. Partant, le Code du travail n’a pas vocation à s’appliquer en tant que réglementation de la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat, mais il est de nature à suppléer, le cas échéant, dans les limites de sa compatibilité avec les dispositions de ladite loi du 25 mars 2015, aux lacunes des dispositions contenues dans cette loi, ainsi que dans la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, voire du statut général des fonctionnaires de l’Etat.

 

En effet, la relation existant entre un employé de l’Etat et son employeur est fondée sur un contrat et le Code du travail régit, sur base du renvoi opéré par l’article 4 de la loi du 25 mars 2015, uniquement les formes et les modalités de l’engagement des employés de l’Etat. Par contre, en ce qui concerne la résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat à l’initiative du ministre du ressort, les articles 5 et 7, paragraphe (3), de la loi du 25 mars 2015 ne comportent pas de renvoi aux dispositions du Code du travail, de sorte que la décision de licenciement d’un employé de l’Etat est d’abord soumise au régime spécifique de la loi du 25 mars 2015 et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat, de sorte que le Code du travail n’a pas vocation à s’appliquer en tant que réglementation de la résiliation d’un contrat d’un employé de l’Etat (cf. Cour adm. 28 juin 2007, n° 22638C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 707 et autres références y citées).

 

Partant, la Cour est amenée à retenir que les dispositions du Code du travail ne sont pas applicables dans le contexte de la résiliation du contrat d’engagement de Monsieur (S) et le moyen afférent de l’appelant est à rejeter. »

 

Ainsi, la Cour souligne que le Code du travail n’a pas vocation à s’appliquer en tant que réglementation de la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat ayant moins de 10 ans de service, même s’il n’est pas exclu que le Code du travail puisse suppléer par ailleurs, le cas échéant, aux lacunes de dispositions (autres) contenues dans les dispositions applicables aux employés de l’Etat. Concernant la résiliation litigieuse, la Cour n’a fait aucune application d’un article quelconque du Code du travail, alors que l’employé de l’Etat invoquait l’application de plusieurs articles du Code du travail, et notamment de son article L. 121-6, qui prévoit la protection du salarié contre tout licenciement en cas d’incapacité de travail.

[1] Cour administrative, 1st février 2022, n°46520C

[2] Loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat :

Art. 5 alinéa 1 : « La résiliation du contrat de travail est prononcée par une décision motivée du ministre, sur demande du ministre du ressort. (…) »

Art. 7. (1) : « Le contrat de travail à durée indéterminée de l’employé ne peut plus être résilié, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans au moins, sauf à titre de mesure disciplinaire ainsi que pour l’application de la procédure d’amélioration des prestations professionnelles et de la procédure d’insuffisance professionnelle. Pendant la période précédant cette échéance, il peut être résilié par le ministre ou par le ministre du ressort soit pour des raisons dûment motivées, soit lorsque l’employé s’est vu attribuer un niveau de performance 1 par application de l’article 4bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat. »

Les articles 5 et 7 du Règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 déterminant le régime et les indemnités des employés communaux prévoit des dispositions similaires.

[3] Cour administrative, 3 octobre 2017, n° 39321C du rôle.

En première instance, le tribunal administratif avait retenu que les sanctions disciplinaires applicables aux fonctionnaires communaux s’appliquaient à l’employée communale ayant moins de 10 ans d’ancienneté : « En l’espèce, du fait de faire référence au mot « destitué », expression non légalement prévue, il échet d’admettre que le conseil communal a en réalité entendu révoquer la demanderesse de ses fonctions d’éducatrice à la maison relais « … », et ce, en considération des nombreux reproches adressés à la demanderesse qui sont de nature manifestement disciplinaire. Or, la révocation figure parmi l’une des sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées également à un employé communal et ce, en application des articles 58 et suivants de la loi du 24 décembre 1985 également applicables aux employés communaux en application de l’article 1 er, paragraphe 4 de ladite loi. (…). Il suit partant de ces développements que la décision litigieuse du 10 février 2015 est à annuler pour violation des articles 68 et suivants de la loi du 24 décembre 1985, sans qu’il n’y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens soulevés par la demanderesse. » Tribunal administratif, 14 février 2017, n° 36717 du rôle.

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