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Annulation du licenciement par l’employeur: DO and DON’T !

Authors
Marine Ancel
Paralegal - Luxembourg
CASTEGNARO
Luxembourg
17.10.23
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Si le licenciement est un acte unilatéral qui relève de la seule compétence de l’employeur[1], il en va différemment lorsque celui-ci souhaite revenir sur la sanction qu’il a notifiée.

C’est ce que rappelle la Cour d’appel dans l’arrêt du 13 juillet 2023[2], alors que l’employeur soutenait ne pas avoir répondu à la demande de motifs de son ancien salarié compte tenu du fait qu’il aurait accepté d’annuler son licenciement, à sa demande.

  • Annulation du licenciement : le commun accord des parties est nécessaire

Par courrier recommandé du 17 juin 2020, l’employeur a notifié au salarié son licenciement avec préavis de 6 mois (du 1st juillet au 31 décembre 2020).

L’employeur a précisé au salarié, par courrier simple du 14 juillet 2023, qu’il acceptait sa demande orale d’annulation du licenciement.

En date du 15 juillet 2020, le salarié, n’ayant pas encore reçu le courrier du 14 juillet selon ses explications, a demandé les motifs de son licenciement, qui ne lui ont jamais été communiqués par l’employeur.

Par la suite, le salarié a introduit une demande en paiement de l’indemnité de départ légale, ce à quoi l’employeur s’est opposé au motif que le licenciement avait été annulé.

Or, dans cette affaire le salarié contestait non seulement avoir demandé l’annulation de son licenciement, mais aussi d’avoir reçu le du courrier du 14 juillet 2023.

Faute pour la société de rapporter la preuve que les parties avaient, d’un commun accord, voulu revenir sur le licenciement, la Cour d’appel a considéré que licenciement n’avait pas été annulé et que le contrat de travail avait en conséquence pris fin à l’échéance du préavis, soit le 31 décembre 2020.

En effet, la Cour d’appel rappelle le principe établi selon lequel, le licenciement échappe à la volonté de son auteur, qui ne peut plus, par sa seule volonté, revenir, ni sur le licenciement, ni sur le délai de préavis qu’il a indiqué[3].

Notez que ce principe implique plusieurs corollaires :

D’une part, l’employeur ne peut décider seul d’annuler le licenciement afin de réintégrer le salarié dans l’entreprise. D’autre part, l’employeur ne peut, de sa propre initiative, substituer au licenciement un autre mode de résiliation ou de dissolution du contrat de travail[4].

Dans la pratique, les employeurs pourraient également s’interroger sur le fait de savoir s’il est néanmoins possible d’annuler le licenciement afin d’y substituer une autre sanction disciplinaire? Si la jurisprudence est pour l’instant silencieuse sur ce point, selon notre analyse rien ne l’interdit à condition le salarié marque son accord pour sa réintégration (annulation du licenciement). En ce qui concerne la sanction de substitution, l’employeur retrouverait ici a priori l’entièreté de son pouvoir disciplinaire, et il serait libre de prononcer une sanction en lieu et place du licenciement.

  • Annulation du licenciement : quels modes de preuve admissibles ?

En l’espèce, la Cour d’appel a refusé l’offre de preuve par témoignage de l’employeur aux fins de démontrer l’annulation du licenciement en raison du défaut de précision. Selon la cour, il ne ressortait pas des éléments de cette offre de preuve de précision quant au contenu des discussions au cours desquelles les parties seraient parvenues à un accord sur l’annulation du licenciement. En effet, le témoignage relatait que l’Employeur s’était laissé convaincre par les arguments du salarié même s’il ne voulait pas vraiment le réintégrer : « Lors de cet entretien [le salarié] a exprimé ses craintes pour son avenir professionnel, il a fait jouer son ancienneté et plusieurs années de bons et loyaux services pour convaincre son employeur de revenir sur sa décision de le licencier. Après de longues discussions, [l’administrateur de la société] s’est finalement laissé convaincre et il a accepté d’annuler le licenciement avec préavis ». (cf. p. 7 de l’arrêt).

Si l’on raisonne par déduction, cela signifierait que la preuve de l’annulation du licenciement aurait pu être, rapportée par témoignage, si l’employeur avait apporté la précision requise par le Nouveau Code de procédure civile.

La Cour d’appel souligne à cet égard que l’accord des parties doit résulter « d’une pièce probante », sans donner d’indication sur sa nature et que cet accord ne peut être déduit :

  • de la non contestation des motifs par le salarié ;
  • de la non contestation du caractère abusif du licenciement.

Toutefois, il semblerait qu’un écrit, ou des écrits soient tout de même préférables afin de rapporter une preuve suffisante de cet accord de volonté. Dans un arrêt de 2010[5], la Cour d’appel avait déduit la volonté des parties de vouloir poursuivre la relation de travail par des échanges de courriers entre les conseils respectifs de l’employeur et le salarié. L’avocat du salarié avait demandé à l’employeur de le réintégrer, demande à laquelle l’employeur avait accédé en demandant au salarié de se présenter à nouveau dans les locaux de la société à une date convenue.

En conclusion, il ressort que l’élément déterminant afin de démontrer l’annulation du licenciement est la preuve de l’accord de volonté des parties de reprendre la relation de travail. Bien que la Cour n’est pas rejeté d’emblée l’offre de preuve dans l’affaire de 2023, la ou les preuves écrites semblent être le mode de preuve le plus adapté.

 

Afin d’éviter toute difficulté, il convient pour les employeurs qui souhaiteraient annuler le licenciement d’un de leurs salariés d’établir un écrit :

 

  1. qui témoigne de la volonté non équivoque des parties de reprendre la relation de travail ;
  2. signé par les deux parties en deux originaux.

[1] CSJ 3e 18 mai 2017 n°42196

[2] Cour d’appel 13 juillet 2023, CAL-2022-00409 du rôle

[3] Cour de Cassation 14 février 2019 n°4092

[4] CSJ 17 juin 2010 n°35143

[5] CSJ 3 juin 2010 n°35003

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