La cour d’appel vient de retenir que le salarié est en absence injustifiée, lorsqu’il refuse de reprendre son poste tel que préalablement imposé par l’employeur, et qu’il s’absente de son lieu de travail sans informer l’employeur et sans lui remettre de certificat médical dans les trois jours.
Or, cet arrêt est particulièrement intéressant, étant donné que dans le passé, par un arrêt du 3 juin 2021[1], la Cour d’appel avait estimé que le licenciement d’un salarié pour absence injustifiée avec effet immédiat était abusif, car la non production du certificat médical dans le délai prévu par la loi n’est pas une faute grave par elle-même. Dans cette précédente affaire, l’absence (en l’espèce consécutive à un arrêt de maladie précédent) n’était donc pas constitutive d’une faute grave.
Par un arrêt du 20 avril 2023[2], la Cour d’appel semble trancher en sens en contraire, et vient apporter des précisions qui démontrent qu’en matière de licenciement pour absence injustifiée consécutive à un arrêt de travail, chaque cas doit faire l’objet d’une analyse concrète.
En l’espèce, une salariée était employée en qualité de femme de ménage depuis le 1er septembre 2010.
À compter du 4 janvier 2018, l’employeur l’avait affectée sur un nouveau lieu de travail, mais également à un nouveau poste (préparatrice de sandwich) qu’elle avait commencé à occuper sans intenter d’action en nullité de la modification de son contrat[3].
Alors qu’elle occupait ce poste depuis plus d’un an, la salariée a été victime d’un accident du travail en février 2019, pour lequel elle a été en incapacité de travail jusqu’au 12 août 2019.
A partir de cette date, la salariée a refusé de reprendre le travail, sans transmettre de justificatif d’absence. L’employeur l’a en conséquence mise en demeure le 19 août 2019 de reprendre le travail ou de fournir un certificat médical.
En l’absence de réponse de la part de la salariée, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, par courrier recommandé déposé à la poste le 26 août 2019 à 18h28.
Le même jour, la salariée a envoyé à son employeur un certificat médical couvrant une incapacité de travail du 26 au 31 août 2019 inclus, par dépôt de courrier recommandé à 18h33.
Cette dernière ne s’étant pas présentée à l’entretien, l’employeur lui a notifiée son licenciement pour absence injustifiée avec effet immédiat par courrier recommandé daté du 29 août 2019.
La cour d’appel a considéré, au même titre que le tribunal du travail[4], que le licenciement pour absence injustifiée avec effet immédiat était justifié.
Afin de déterminer si la salariée bénéficiait de la protection contre un licenciement, la Cour d’appel a constaté qu’il n’est pas établi que l’employeur ait été informé de l’incapacité de travail de la salariée le premier jour de son absence ou qu’il ait été en possession d’un certificat médical attestant son incapacité de travail, lorsqu’il lui a envoyé la convocation à l’entretien préalable.
Ainsi, du fait que l’employeur avait envoyé le courrier de convocation à un entretien préalable avant d’avoir été informé d’une éventuelle incapacité de travail, le licenciement n’a pas été invalidé par la réception ultérieure, par l’employeur, d’un certificat d’incapacité de travail couvrant notamment le jour où le courrier de convocation à un entretien préalable avait été envoyé à la salariée.
En l’espèce, l’employeur reprochait à la salariée son absence injustifiée du lundi 12 au jeudi 29 août 2019 (date de la lettre de licenciement), soit une absence de 15 jours.
La Cour d’appel retient que, « concernant le reproche tenant aux absences injustifiées de la salariée à partir du 12 août 2019, cette dernière n’établit pas avoir informé son employeur d’une incapacité de travail dans son chef, le premier jour de son absence, ni lui avoir fait parvenir de certificat d’incapacité de travail le troisième jour de son absence, conformément aux exigences de l’article L.121-6 paragraphe (1) et (2) du Code du travail. »
Ainsi, la Cour d’appel souligne le caractère fautif de la non information de l’employeur le premier jour de l’absence d’une part, et de l’absence d’envoi du certificat médical au troisième jour d’autre part.
Cette solution rendue par la Cour d’appel est cependant également liée au cas d’espèce, dans la mesure où la salariée était en absence injustifiée depuis 15 jours à la date du licenciement, et que l’employeur avait pris le soin de lui demander de reprendre le travail ou de fournir un certificat d’incapacité de travail, avant de la licencier, suite à l’absence de réaction de la salariée.
La salariée était initialement employée comme femme de ménage depuis 2010 à un lieu de travail A.
A partir de janvier 2018, elle a occupé le poste de préparatrice de sandwich sur un lieu B, suite à une modification de son contrat de travail par l’employeur. Pendant plus d’un an, la salariée n’a pas cherché à invoquer une éventuelle nullité de la révision de son contrat de travail.
Dans cette situation, la salariée, qui a occupé son nouveau poste pendant plus d’un an, sans invoquer la nullité du changement de lieu et de poste de travail qui lui avaient été imposés par l’employeur, ne peut plus se prévaloir d’une telle prétendue nullité pour tout simplement ne plus se présenter à son poste de travail.
En conclusion, il revient au salarié de prendre toutes les mesures pertinentes pour informer son employeur des motifs de toute absence, et de s’assurer de la légitimité de ces justificatifs, sous peine de s’exposer à des sanctions disciplinaires pouvant être lourdes.
[1] Cour d’appel 3 juin 2021 8ème chambre, n°2020-00079, voir également en ce sens Cour d’appel 14 juin 2018 chambre 8 n°43964 du rôle « le fait de ne pas respecter les dispositions de l’article L121-6 (1) et (2) ne constitue pas toujours, à lui seul, une faute grave justifiant le licenciement immédiat ».
[2] Cour d’appel 20 avril 2023, 3ème Chambre, n°2021-01156
[3] Selon l’article L. 121-7 du Code du travail, un salarié convaincu qu’une modification essentielle de son contrat de travail lui a été imposée en sa défaveur, sans que l’employeur n’ait respecté la procédure prévue par la loi, peut demander en justice la nullité de la modification.
[4] Tribunal du travail 26 octobre 2021 n°2808/2021
[5] Cette protection résulte d’un mécanisme juridique composé de deux conditions cumulatives successives :